dimanche, décembre 27, 2015

Alger, Le Cri -- Samir Toumi


Ce n’est pas vraiment un roman, ce n’est pas non plus un essai. C’est un cri, que l’enfant algérien n’a pas émis en naissant, que l’adulte refoule jusqu’à l’étouffement. 

Il a des défauts bien entendu, des passages un peu superflus, ou un peu trop rébarbatifs, mais le livre étant formellement court, on n’a pas le temps de les déplorer. « Je demeurai longtemps errant dans Césarée… » Je cite Aragon citant Racine, mais ce sont les propos qui illustrent le mieux ce livre, et l’expérience de vie à Alger. On erre, on déambule, on descend l’avenue Didouche et on la remonte, on va jusqu’à Bab-El Oued (qui, contrairement à l'expression , n’est pas loin du tout), et on longe de nouveau la rive jusqu’au Jardin d’Essais. On marche, ça grimpe beaucoup, on dévale pas mal de pentes aussi. De loin en loin, une vue imprenable, un paysage scandaleusement beau. Petit, Alger, mais dense. Alger, le Cri, est à son image.
Je l'ai lu il y a de ça quatre mois, mais ses mots font encore écho.

dimanche, décembre 20, 2015

Littoral - Incendies - Forêts - Ciels -- Wajdi Mouawad

J'ai entendu parler de cet auteur par deux fois, la première à l'université lors d'un exposé, la deuxième autour d'un café en compagnie d'une amie aux yeux des plus pénétrants. 
Ce nom me restait à l'esprit, il tournoyait, promesse de voyage. Je demeurai longtemps errant dans Césarée...Jusqu'au jour où j'ai trouvé ses  livres bien alignés sur l'étagère nouvellement connue d'une amie rencontrée.

dimanche, décembre 13, 2015

De la culpabilité de lire les textes traduits.

J'aimerais revenir sur quelque chose que j'entends souvent: "J'ai lu Anna Karénine, mais bon, c'est une traduction, donc j'ai pas vraiment lu Tolstoï" ou encore "ah t'as lu Shakespeare en traduction ..."

Il est certain que le texte traduit n'est pas le texte original, mais pourquoi toujours le regarder de haut, et le mépriser, méprisant par là même le travail de son auteur ?
Et puis qu'est-ce qu'original signifie ?

jeudi, décembre 10, 2015

Indignation -- Philip Roth



Ah du Roth comme on l'aime !

Indignation, c'est l'histoire d'un fils -juif- prodigue qui détruit toutes chances de réussir sa vie, sans le vouloir : réussir sa vie : une notion à problématiser :  à nuancer du moins. S'il l'avait voulu, prémédité, il n'aurait pas fait pire.

Le roman n'est rien d'autre qu'une tragédie, comique, dans l'Amérique profonde durant la Guerre de Corée.

mardi, décembre 08, 2015

Effacement -- Percival Everett

A vrai dire, je ne sais pas trop quel genre de livres tu aimes lire.

Celui dont je parle aujourd'hui est assez spécial. Pour l'aimer, clairement, il faut aimer la littérature, dans ses coutures.
L'histoire est celle d'un écrivain américain au style très particulier, qu'on pourrait qualifier d'élitiste, le genre d'écrivains qui écrivent de telle sorte que très peu peuvent les comprendre. Son thème préféré est la mythologie et ses livres ne sont lus donc que par très peu de personnes.
Le problème, c'est qu'il est Noir.

dimanche, novembre 29, 2015

L'odyssée de la race des oublieux.

Je n'ai pas publié de lectures cette semaine pour plusieurs raisons, 
tout d'abord la difficulté de lire dont je parlais dans mon article précédent, 
mais aussi, après l'avoir surmontée, la décision de lire un livre qui est à la source de toute notre culture, qu'on cite régulièrement, que moi-même je cite quelques fois mais que je n'avais en réalité jamais ouvert : L'Odyssée
Je ne pensais pas faire un billet de cette lecture, je crois qu'elle me dépasse en réalité.

dimanche, novembre 22, 2015

Le Liseur -- Bernard Schlink

Voici un livre embarrassant.
Du début à la fin.
Cette femme qui a une relation amoureuse avec un enfant de 15 ans, cette autre femme qui ne sait pas lire et qui est prête à mourir plutôt que de l'avouer, cette autre qui était SS.

dimanche, novembre 15, 2015

lire pour reconstruire Ikosium -- Parler pour Paris.

En ces jours de deuil, où certains mots pèsent plus lourds, alors que d'autres sont épuisés,  je pense qu'il est temps que j'explique le nom de ce blog contre l'absurdité de ce que nous vivons à Paris.

dimanche, novembre 08, 2015

Marcher (ou l'art de mener une vie déréglée et poétique) -- Tomas Espedal

Marcher ( ou l'art de mener une vie déréglée et poétique) est un bel objet, littéralement et dans tous les sens.
Tout d'abord la couverture, comme vous pouvez le voir, est magnifique, saisissante. De toute façon, je savais que je ne me trompais pas, l'édition Babel recèle de surprises exotiques. 
J'étais aussi contente de lire de la littérature scandinave qui ne soit pas policière ou glaciale.

vendredi, novembre 06, 2015

Non, ça ne parle pas littérature ... Ou du moins pas au début !

Une lecture qui date de quelques semaines, que je ne comptais pas publier et puis voilà.


Théorie assez inouïe, et paradoxale, le sucre serait fatal, le bon gras nous ferait du bien. Les médecins ne sont pas d'accord. On nous dit une chose puis son contraire, avec preuve à l'appui. Ça me fait penser aux oulémas (théologiens musulmans)

lundi, novembre 02, 2015

La frustration du délire.

Depuis que j'ai commencé ce blog, on m'a souvent dit :

 "ça donne envie de lire tous les livres dont tu parles, mais on n'a pas le temps.", 

autrement dit, mon blog est celui de la frustration. Face au temps qui coûte de plus en plus cher. Et le sentiment de culpabilité.

vendredi, octobre 30, 2015

Ravissements -- Ryad Girod

"Qu'avons-nous voulu en parlant ?"

Je crois n'avoir jamais autant apprécié un début de roman. Ses premières lignes sont saisissantes, tout en simplicité pourtant. Dès les premières pages, on sait que l'on a affaire à un texte magnifique, on se sait être en plein cœur du Beau. Heureusement, me suis-je dit dès la deuxième page, que c'est un récit court.

L'Emprunt -- Djohar Wallis

Je déroge à la ligne éditoriale de ce blog - oui, rien que ça - en publiant aujourd'hui un billet sur un livre que j'ai lu il y a déjà quelques mois. Soyons honnêtes, je ne pensais pas du tout écrire à propos de ce livre et ce, pour plusieurs raisons.

D'abord, et je me répète, je l'ai lu bien avant de commencer ce blog. Mon idée de commenter à vif est de fait contrecarrée.
Ensuite, j'ai participé aux entremises éditoriales du livre. Mon objectivité est mise à mal. Et même doublement : je connais son auteure personnellement.
Enfin, et je pense que c'est la raison principale, celle qui peut vraiment vous briser votre objectivité, vous faire tomber dans le jugement le plus étroit et étriqué, son auteure et moi on se ressemble. Elle aussi parle une langue qui n'est pas la sienne. On partage un âge, un lieu de naissance et sa culture, une langue étrangère et son univers. On ne partage pas les mêmes parcours ni la même géographie, mais notre identité est tout autant morcelée. Or, nous sommes toujours plus intransigeants avec nos pairs.

Allons-y.

L'Emprunt, j'ai tout d'abord aimé le titre, ça tombe juste pour un livre, une oeuvre de langage, et puis on se demande ce qui a été emprunté. Le nom aussi Djohar Wallis. Beau pseudonyme. Djohar Wallis qui emprunte le nom d'un autre pour écrire, qui emprunte aussi un langage. Premier roman d'une jeune auteure francophone.

mardi, octobre 27, 2015

Des lectures d'un Sud pris pour de l'Est. -- Conseils orientés 2/2.

Je pense que je peux mettre dans une même catégorie tous les livres que j’ai lus et qui ont été écrits par des personnes nées ou traversées par les cultures bigarrées du Mashrek et du Maghreb – au sens large. Effectivement, je ne pense pas faire de grosses erreurs en mettant pêle-mêle tous les ouvrages que je vais citer, dans une catégorie que j’intitulerai, en empruntant son titre à Maalouf, « Les désorientés ».

Des lectures à l'Est. -- Conseils orientés 1/2

On m’a demandé il y a peu une liste d’ouvrages orientaux – orientaux dans tous les sens du mot, tout ce qui est à l’Est de la France, mais aussi oriental par les choix de la culture de l’écrivain, on inclue de fait la rive sud de la Méditerranée. J’en ferai deux articles.

samedi, octobre 17, 2015

Alger sans Mozart -- Michel Canesi et Jamil Rahmani

D'emblée le livre surprend. Un roman à la double paternité -roman à quatre mains - et à la double culture - française et algérienne. Et que penser de son titre ?
C'est l'histoire d'une femme, Louise, française par le sang, algérienne par la naissance, qui fait le choix de rester à Alger après 1962. Sa vie, ses démons, ses bonheurs, sa déchéance nous est racontée à travers plusieurs voix qui gravitent autour d'elles, des personnages sur qui son emprise est impériale, des personnages sans qui elle pourrait mourir.
C'est le symbole de l'Algérie, le plus vivace que j'ai pu lire, une Nedjma sublime bien que grosse et édentée.

vendredi, octobre 16, 2015

La vérité sur l'affaire Harry Québert-- Joël Dicker

La légèreté de cette lecture est tombée à point nommé après mon voyage au gré de la route sombre de Ma Jian.
C'est une lecture plaisir, le genre de livres qu'on ne veut pas lâcher, le suspense est tel qu'on a peur qu'au bout du compte, il n'y ait rien à découvrir.
J'ai justement eu du mal à parler de ce livre parce que, prise par sa lecture je l'ai terminé en plein milieu d'une nuit, je n'ai pas pu en parler juste après l'avoir achevé.

Ce n'est pas LE livre incontournable, il ne révolutionnera pas votre quotidien. L'intrigue tient debout certes, elle est assez bien ficelée pour vous tenir sur plus de huit cents pages, ce qui n'est pas rien, mais elle est tout de même un peu flottante. On y croit parce qu'on veut y croire. Faut dire que ce roman brasse énormément de choses - tellement que beaucoup ne sont que trop légèrement traitées.
Ça n'empêche que la balade est plaisante.

L'histoire est celle d'une Lolita qui finit encore plus mal que celle de Vlad, une Lolita ravagée de l'intérieur,

samedi, octobre 10, 2015

La Route sombre -- Ma Jian

C'est un roman qui sent littéralement mauvais. Il pue. Galerie nauséabonde d'odeurs insoutenables. L'air y est infesté par les pesticides et l'horreur du totalitarisme. 

Je me suis demandé s'il y avait un bon moment pour  le lire : difficile de le lire avant de dormir au risque de faire des cauchemars. Difficile de lire juste avant ou juste après manger. Pénible de le lire dans une rame de métro trop bondée où il est déjà parfois déjà assez malaisé de respirer. Expérience physiologique trop intense. Ma Jian nous met littéralement le nez dans la merde, et nous oblige à garder les yeux ouverts... ça pique mais il est impossible de ne pas poursuivre la lecture au fil du plus long fleuve d'Asie - le Yangtze - malgré tout.

De quoi ça parle ?

jeudi, octobre 08, 2015

Présent ? -- Jeanne Benameur

Ce livre m'a été conseillé par une de mes profs à l'ESPE. Il est écrit par une ancienne prof de lettres. Alors oui, sans surprise, il parle d'école.

Espoir et désespoir se mêlent et tissent les portraits qui peuplent ce roman. 

Tout y est très subtil, il ne manque rien à l'expérience scolaire, de l'élève en difficulté à la principale. 
Faut être sensible à ce milieu pour aimer, faut être prêt à prendre du recul sur son propre travail quand on appartient à ce milieu. Travail au sens large. 

dimanche, octobre 04, 2015

Quel thé pour quel livre ?


Voilà un questionnaire que j'ai trouvé sympa, il s'agit de rapprocher par certaines caractéristiques -tantôt subtiles tantôt moins - un livre d'une sorte de thé.




1. English breakfast - Un livre que tout le monde t'as recommandé et que tu as donc fini par lire.

1Q84 de Haruki Muarakami. J'en ai entendu parler pendant des mois, en me disant que je n'allais surement pas aimer. Entre temps, j'avais lu deux ou trois Murakami, et j'ai fini par me plonger dans les tomes de 1Q84. J'ai adoré. Pas autant que La Chronique de l'oiseau à ressort, mais Murakami, c'est un monde. Il peut être lassant de parcourir son univers, si on enchaîne plusieurs de ses livres, mais c'est un régal  - avant l'indigestion.


L'Hibiscus pourpre -- Chimamanda Ngozie Adichie

Voici la quatrième de couverture du livre que j'ai lu la semaine passée. 







J'avais découvert son auteure à travers son discours sur le danger de l'histoire unique. Il s'agit du problème de l'historiographie qui veut tendre à l'objectivité mais qui tombe nécessairement dans le parti-pris. Il y a écriture, il y a donc voix et subjectivité. Bref, cette femme m'avait fait une telle impression que j'ai eu envie de lire son roman.
Ce n'est que plusieurs années plus tard en en reparlant avec une amie (qui a aimé des terres avant de savoir qu'elle en venait- où le savait-elle inconsciemment ? ) que je me suis dit qu'il était temps.
Temps de découvrir Kambili, la fille d'un homme influent au Nigeria.

Wonder -- R.J. Palacio


Wonder, l'histoire d'un enfant -Auggie- qui a une maladie tellement déformante que je pensais, stupidement, que l'auteure l'avait imaginée dans son élan créatif. Pourtant, c'est le quotidien de certains, c'est l'histoire de ce garçon au visage que l'on peut décrire comme on décrirait un Picasso et qui fait fuir le regard de tous.

Il est né juste après minuit et si on en croit un des livres de Salman Rushdie ça expliquerait sa difformité .
Ça m'a aussi rappelé le début de Belle du seigneur quand Solal se demande si on peut aimer une personne qui aurait (je crois) les dents un peu plus longues ou un peu plus petites que la norme et que grosso modo un centimètre peut tout changer, changer un destin. Les yeux d'Auggie sont un centimètre et quelque plus bas que la normale.



Le roman commence avec la première rentrée d'Auggie dans une école- jusque là il étudiait à la maison. La réaction des enfants ne se fait pas attendre. J'entends souvent dire "les enfants sont si méchants entre eux" mais bon sang...ce n'est rien d'autre que le reflet des adultes.
L'histoire est racontée à travers plusieurs regards. C'est un roman pour enfants/jeunes adultes mais il peut aussi très bien se lire à tout âge. On a surement besoin de ce genre de livres, et il devrait faire partie des lectures de nos collégiens.
J'ai du mal à parler de ce livre à vrai dire, je n'ai pas envie de lui mettre d'étiquettes littéraires, ni de trop le conceptualiser.

Je vais peut-être juste dire qu'on ne peut pas ne pas verser quelques larmes, qu'il me touche en tant que jeune prof confrontée à des élèves qui sont souvent bien différents, et qu'il touche en moi la petite fille à l'œil bandé.

Cette lecture m'a aussi été conseillée par une amie, une amie qui a les yeux bien placés mais bien trop bleus pour être normaux.

La Flèche du temps -- Martin Amis

J'aurais pu laisser passer quelques heures, voire quelques jours, avant de parler de ce roman, le temps que les pendules se remettent à l'heure et que les aiguilles reprennent une direction normale et redonnent du sens aux choses, mais cette lecture offre une expérience inédite et je ne pouvais pas attendre plus.
Martin Amis a choisi de raconter l'histoire d'un homme à l'envers. NON, ça ne prend pas la même forme ni les mêmes dimensions que l'histoire de Benjamin Button. C'est tout simplement la touche retour en arrière qui est enclenchée, un rewind (don't be kind), on rembobine et on observe. C'est-à-dire que les choses se font à l'envers, on dit bonjour quand on se quitte, on frappe à la porte au moment de partir, on n'avale pas la nourriture, on la recrache, on la trie, on refait le plat, on rassemble les morceaux de viande et on retourne les déposer au supermarché contre de l'argent. Tous les détails y sont - pas la peine de raconter le processus des autres besoins vitaux. Amis le fait très bien.

C'est tellement dérangeant ce monde où les prostitués payent leurs clients.

Les Désorientés -- Amin Maalouf

Petite photo à la bien avec photophore orientalisant qui se prête bien à cette lecture.
Si Soufi Mon amour est le roman du présent, du perpétuel aujourd'hui, Les Désorientés d'Amin Maalouf est sans conteste celui d'hier.
 Véritable archéologie de la vie du personnage principal Adam. 
Et avec un nom comme ça, cette archéologie personnelle ne pouvait que devenir une remontée aux sources de toute l'humanité - où du moins de celle qui peuple le bassin méditerranéen.