samedi, octobre 17, 2015

Alger sans Mozart -- Michel Canesi et Jamil Rahmani

D'emblée le livre surprend. Un roman à la double paternité -roman à quatre mains - et à la double culture - française et algérienne. Et que penser de son titre ?
C'est l'histoire d'une femme, Louise, française par le sang, algérienne par la naissance, qui fait le choix de rester à Alger après 1962. Sa vie, ses démons, ses bonheurs, sa déchéance nous est racontée à travers plusieurs voix qui gravitent autour d'elles, des personnages sur qui son emprise est impériale, des personnages sans qui elle pourrait mourir.
C'est le symbole de l'Algérie, le plus vivace que j'ai pu lire, une Nedjma sublime bien que grosse et édentée.

Dans ce livre, se superposent les paysages algériens et français, ainsi que les franges les plus extrêmes de leurs sociétés. Tout converge, tout fait sens. Clarté et subtilité. 
Je crois que la relation entre ces deux pays est peut-être la mieux illustrée par la relation entre Louise et son neveu  ; une relation incestueuse qu'on rêve de vivre, qu'on ne vit pas par principe et qu'on finit par perdre et par tuer, jusqu'à se dire qu'il y aurait eu moins de drames si elle avait été consommée. 
Louise, à l'image de l'Algérie, est l'amante qu'on veut posséder, la mère que l'on veut pour soi seul, la marâtre qui nous blesse et nous humilie, la maîtresse qu'on aurait aimé ne jamais avoir connue mais dont on ne peut plus se passer. 

Ce roman me touche au plus profond de moi-même. Née à Alger, façonnée en France, je ne sais plus trop qui je suis quand je lis Alger sans Mozart, ou du moins, je ne sais plus laquelle je suis... l'Algérienne heurtée par les propos colonialistes ici et là, la Française convaincue des dysfonctionnements civils et civiques, l'Algérienne révoltée par la tournure qu'ont pris les choses, par le gâchis, la Française émerveillée par la beauté lézardée des lieux ou encore l'Algéroise jalouse et envieuse de n'avoir jamais connu cet Alger dont parle Louise, dont parlent les pieds-noirs, dont parlent les parents, faute d'être née en même temps que la guerre civile. 

J'ai adoré ce livre, le choix des personnages, ce réalisateur excentrique qui ouvre le roman sur le monde du cinéma, ce jeune Sofiane si beau et si intelligent porte-parole de toute une génération, j'ai adoré la prise en compte de la vie dans tout ce qu'elle a d'imparfait. La force de Louise, la plus algérienne des Algériennes.

Je crois que le titre de mon blog de façon prophétique annonçait ce genre de lectures. Alger, l'Algérie, tous ces noms qui se sont succédé,  l'incarnation même du principe bigarré de l'identité. 





8 commentaires:

  1. j'ai adoré votre commentaire sur ce livre que je lis aussi en ce moment , qui m'a touché profondément .. en Fait j'ai choisi ce roman comme corpus pour mon mémoire de fin d'études..que pensez vous que je deverai choisir comme problématique ou qu'est ce que je dois étudier dans ce roman ? besoin de conseils :))

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    1. Bonsoir ! D'abord merci pour votre commentaire ! Je ne sais pas si je peux vraiment vous aider, je veux bien essayer mais il faut que je connaisse votre domaine de recherches ! Vous êtes en Lettres modernes, comparées ? Autre ?

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    2. Bonsoir , je fais un master 2 "sciences des textes littéraires" , on doit choisir un roman , l'analyser , l'étudier , puis on fait une étude théorique (en appliquant des approches théoriques sur le roman en question ) donc le travail est composé de deux parties une partie qui traite le roman ou un thème dominant et une autre théorique , par exemple si on veut parler de l'approche sociologique ) .. voilà j'espère avoir répondu à votre question

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    3. Je ne suis pas spécialisée dans ce domaine de recherches ! Mais vraisemblablement l'identité peut être le thème d'une recherche. Je pense aussi à ce sentiment de honte de laisser les siens derrière soi, des auteurs ont travaillé sur cela. Le thème du retour à la terre d'origine. Et puis il y a la forme spécifique du roman chorale mais je ne sais pas si tout ceci vous intéresse !

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    1. Tant mieux alors, je compte me plonger dans un autre de leurs romans !

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  3. Tes commentaires me donnent des ailes et j'imagine que j'ai le temps pour plein de lectures ... ça donne plus qu'envie de lire, celui-ci, mais aussi en général.

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    1. Venant des yeux plus profonds que n'a vu l'océan, ça rend heureux

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