Voici un livre embarrassant.
Cette femme qui a une relation amoureuse avec
un enfant de 15 ans, cette autre femme qui ne sait pas lire et qui est prête à
mourir plutôt que de l'avouer, cette autre qui était SS.
On ne sait plus qui est gentil, on ne sait plus qui est méchant. Peut-être le narrateur lui-même ? Bien qu'il n'ait commis aucun crime, il apparaît souvent comme pire que cette gardienne de déportées qui emmène des filles du camp de travail, jeunes et fragiles, le soir, les isole pour faire on ne sait quoi - elle ne le dit pas - avant de les envoyer à Auschwitz ; par lassitude ? Parfois ce jeune garçon de 15 ans devenu un homme paraît bien plus coupable que cette autre femme qui disparaît du jour au lendemain laissant son amant aux abois.
On ne sait plus qui est gentil, on ne sait plus qui est méchant. Peut-être le narrateur lui-même ? Bien qu'il n'ait commis aucun crime, il apparaît souvent comme pire que cette gardienne de déportées qui emmène des filles du camp de travail, jeunes et fragiles, le soir, les isole pour faire on ne sait quoi - elle ne le dit pas - avant de les envoyer à Auschwitz ; par lassitude ? Parfois ce jeune garçon de 15 ans devenu un homme paraît bien plus coupable que cette autre femme qui disparaît du jour au lendemain laissant son amant aux abois.
C'est un roman comme je les aime, il a une
histoire, il a une direction, une dynamique qui vous pousse à aller de l'avant,
à découvrir les différents secrets - certains plus évidents que d'autres- tout
en sachant très bien que ces vérités ne donneront aucun sens à l'histoire.
Il n'y a pas de morale dans un roman, comme
dit Kundera. On ne sait pas qui est le bon, qui est le méchant. L'amour compte,
certainement. Mais reste-t-il une quelconque morale après les camps ?
En réalité, j'ai achevé ce livre il y a bien
deux semaines, j'en ai commencé un autre, avant d'être coupée dans mon élan par
l'horreur des attentats de Paris. J'ai du mal, depuis, à prendre un livre. Bien
sûr, c'est la conséquence la plus indirecte et la moins sérieuse du massacre.
N'empêche que nos esprits sont paralysés, l'horreur est encore trop fraîche, or
lire c'est aussi s'isoler, prendre de la distance, et pour le moment, c'est
assez difficile. Je reviens un peu aux sources, je lis L'Odyssée, un peu pour
moi, beaucoup pour mes élèves.
Je lis moins aussi parce que lisant
principalement dans les transports en commun, il es devenu plus difficile de le
faire malheureusement, n'est-ce pas... je ne suis pas la seule à être un peu
angoissée en traversant les entrailles de Paris... tant et si bien qu'il est
beaucoup moins naturel de rester le nez figé dans les pages de son livre.
Ayant achevé ce livre il y a deux semaines, je
ne comptais pas en publier le billet aujourd'hui, puis repensant à ma lecture,
et à tout ce que j'ai pu lire sur internet depuis le 13 novembre, m'est venu à
l'esprit le parallèle entre Hanna et les terroristes qui tuent au nom de Daesh.
Hanna est aimée, Hanna a une âme et veut apprendre à lire, Hanna a honte de ne
pas savoir lire, Hanna a un coeur. Pourtant, c'est Hanna qui conduisait les
juifs à être exterminés, c'est Hanna qui n'avait pas voulu ouvrir la porte de
l'église qui brûlait, y laissant se consumer les déportées. Hanna est humaine,
et nos bourreaux modernes aussi.
Ce n'est pas nouveau : il n'y a du monstre que
dans l'Homme.
Hanna la nazie analphabète n'était pas
intégrée. Elle n'avait pas les mots. Elle ne pouvait pas déchiffrer le monde
qui l'entourait. Elle obéissait aveuglément à une Loi, mais elle était assez
sensible pour la comprendre. Peut-on justifier son comportement par cette
frustration de ne pouvoir lire ?
Les terroristes qui sévissent actuellement ont
les mots. On les croyait tous désorientés, hors de la civilisation, barbares au
sens propre du terme, ça nous arrangeait, mais non... on apprend qu'ils sont
infirmiers, ingénieurs, que ce sont des ados "de bonne famille", qui
rêvent de changer le monde. Que manque-t-il à leur grille de lecture des choses
? Où avons-nous échoué ? Et nous voilà par milliers à dénoncer les dérives de
l'Etat.
D'autres y voient tout simplement les dérives
de l'islam, la barbarie y serait intrinsèque... tellement plus facile de penser
cela, tellement plus facile de justifier, d'incriminer plutôt que de dévisager
le tout-puissant néant de leurs actes. Alors on préfère continuer de faire des
catégories, y ranger ceux qui ne nous plaisent pas dans celle des
"méchants", et bien refermer la porte, à double tour, derrière soi.
Car l'horreur, oui, d'accord, mais l'horreur
sans fondement, l'horreur sans raison est au-delà de nos forces... or voilà
même ce qu'on subit en ce moment, une potentialisation de l'absurdité absolue
qui nous laisse hébétés et abasourdis.
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